Société

Pourquoi le théâtre n'attire pas la jeunesse ?

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Aujourd'hui, proposer une sortie au théâtre en famille ou entre amis devient de plus en plus rare, conséquence notamment d'une forte baisse d'intérêt pour celui-ci depuis des années. Pour beaucoup, leur dernier souvenir d'art dramatique s'arrête à de difficiles souvenirs du lycée et d'analyse des grands auteurs classiques, qui détruit parfois à jamais le lien qu'ils auraient pu entretenir avec cette culture. Cette relation brisée dès le plus jeune âge entraîne depuis des générations un désintérêt significatif pour les adolescents et les jeunes adultes, dans une société qui peine à redonner ses lettres de noblesse à une pratique qui ne demande qu'à accroître le nombre de ses passionné.es. 

En premier lieu, il faut relever que le théâtre souffre malheureusement de stéréotypes ancrés si profondément dans l'imaginaire collectif qu'il est difficile pour une personne dont l'intérêt pour cette culture reste minime de s'y intéresser davantage : le prix des places élevé ou encore qu'il s'agit d'une sortie réservée aux classes les plus aisées et intellectuelles... Tous ces clichés rebutent un public peu averti qui se sent surtout parfois exclu par cette culture qu'il peut juger au premier abord comme trop éloignée de la sienne. On comprend qu'il y a un problème important d'identification pour certains à cette culture, destinée à un public qui ne leur ressemble pas et créée par des artistes qui ne leur ressemblent pas. C'est ainsi que des pièces récentes ont beaucoup jouées sur la présence de figures reconnaissables du grand public, qu'elles soient des acteur.trices de cinéma ou des personnalités bien connues du grand public que l'on découvre dans un nouveau registre, allant d'humoristes comme Chantal Ladesou à des chanteurs comme Matt Pokora, qui se réservent souvent à des comédies de boulevard. Mais d'autres y créer de réelles propositions artistiques en lien avec leurs propos et leur univers, c'est le cas du rappeur Kery James notamment avec sa création Le poète noir.

En ce qui concerne le coût des places, il est vrai que dans les plus grandes villes, il est complexe de se procurer des places inférieures à une vingtaine d'euros, mais il n'est certainement pas impossible de trouver des places, y compris pour des pièces innovantes ou avec des scénographies impressionnantes pour le même prix qu'une place de cinéma, avoisinant une dizaine d'euros. Tout ceci sans compter les nombreuses aides et offres mises en places afin d'offrir des réductions aux personnes mineures ou aux étudiant.es, permettant à chacun, s'il a la curiosité de s'y rendre, de découvrir le théâtre le plus proche de chez lui. Néanmoins, la représentation théâtrale désigne aussi toute forme de spectacle vivant, et désigne ainsi la danse, le cirque, les spectacles de magie ou le théâtre de rue, permettant à tout le monde d'y trouver son compte. Le théâtre est souvent plus accessible qu'on ne le pense, parfois même à quelques mètres de chez soi. 

Mais alors pourquoi la plupart des personnes sont plus aptes à se rendre au cinéma régulièrement, pour une gamme de prix qui peut être similaire, mais ne dédaigneraient même pas de regarder la programmation de la salle de spectacle de sa ville ? En observant les codes du 7ème art et de ce qui a fait son succès auprès de toutes les générations, on se rend compte d'un point qui restreint la diversité du public au théâtre : la faible variété des genres. Effectivement, la plupart des pièces actuelles sont des drames ou des comédies, et l'on retrouve évidemment de nombreuses réadaptations de pièces de dramaturges d'une autre époque (et le retour des traumatismes des tables du lycée), et il est rare de retrouver des représentations concentrées sur des styles qui ont permis au cinéma de s'élever au rang d'art des plus populaires comme l'action ou l'horreur, genres qui se reposent surtout sur le spectaculaire et la recherche de réaction spontanée chez le spectateur. Il y a donc un désir, notamment pour un public plus jeune, d'être impressionné par l'instant, de se remémorer des images fortes, et c'est ainsi que de nombreux metteurs en scènes doivent innover en intégrant des éléments de lumières, de son, ou bien de pyrotechnie afin non seulement de proposer une pièce nouvelle, mais également de créer une véritable expérience sensorielle pour le spectateur. Ces dernières années, des pièces comme Chapitre XIII de Sébastien Azzopardi ont misés sur la création horrifique en usant d'effets semblables à la pratique de la magie pour attirer un public cherchant un nouveau type de spectacle, visant à perturber le spectateur par une mise en scène impressionnante.

 Crédit : Fabienne Rappeneau, Chapitre XIII, 2018

De plus, on ne peut occulter le cruel manque de communication autour du théâtre, des dernières représentations ou des festivals, dans les plus grandes métropoles comme dans les milieux les plus ruraux. Dans le meilleur des cas, des affiches seront disposées dans les rues et une promotion sera effectuée sur différents sites internets ou dans les écoles, afin d'attirer, à juste titre, une jeunesse qui ne peut se tenir au courant que difficilement de l'actualité des salles de représentation de leur ville. Sur ce point, nous pouvons faire un parallèle avec le cinéma une nouvelle fois, et en effet, ce serait mentir que de ne pas observer le temps d'avance que possède ce dernier sur le théâtre dans ses stratégies de communication qui parviennent souvent à créer pendant des mois, voire des années, l'événement autour d'un film, l'exemple de Barbie récemment en est la preuve parfaite (nous en avons d'ailleurs fait un superbe article sur Joly Môme), ne serait-ce qu'avec les bande-annonces, la diffusion sur les réseaux sociaux ou le dévouement demandé aux plus grandes stars pour attirer leur communauté dans les salles de cinéma.

Il est donc nécessaire de développer des moyens et d'agir différemment pour rendre la sortie au théâtre plus attractive et banale, la rendre plus populaire afin de s'affranchir de l'image négative que beaucoup s'en font, en mettant en avant des pièces qui innovent pour attirer différents types de publics tout en communiquant d'une manière qui puisse faire le plus grand bruit auprès des jeunes. Mais il faut surtout faire confiance à tous les acteurs de cette culture qui travaillent et innovent chaque année pour proposer des créations pour tous les âges et tous les styles : tout le monde peut rire, pleurer, réfléchir, être choqué ou sortir émerveillé par une pièce de théâtre. La dernière chose qu'il vous reste à faire c'est d'être curieux et de laisser sa chance à ce dernier pour guérir des heures à étudier Molière et Shakespeare à l'aide d'une édition spéciale "Baccalauréat 2012".

Par Ethan Grimaud

Dernière modification le 22/08/2023 à 13h51

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