Littérature

Mécanique de Jules de Blanc : un recueil de poésie incisive

Publié le 21 septembre 2023

Je connais le compte instagram de Jules depuis plusieurs années. On y lit ses poèmes, on admire ses photos, on apprend de ses storys. Son écriture est piquante, ses propos visent toujours là où on détourne les yeux, là ça fait peur, ça fait mal, ça dégoute. Depuis quelques années, il a ce gros projet d’élaborer des recueils poétiques. Je me suis procuré son dernier, auto-édité : Mécanique. Je pense que c’est une bonne occasion de vous présenter qui est Jules, son œuvre, avec évidemment une partie dédiée à ce dernier recueil. Alors je suis allé le voir pour lui poser quelques questions, et ses réponses sont éclairantes.

Jules De Blanc, 25 ans, pronoms ça/il, accords épicènes, ou masculins si nécessaire. 

Jules écrit depuis qu’il sait le faire, d’abord par le biais de journaux de bord puis de la poésie dès sa pré-adolescence. Quand je lui ai demandé pourquoi il a commencé, ça m’a dit :

À l'école on me harcelait, à la maison on me maltraitait, et j'avais aucun espace de parole ni d'écoute, alors écrire était une nécessité. Déjà pour sortir ces choses de moi, pas être solo avec, et aussi pour les rendre réelles, les palper. Parce que quand on vit des violences au quotidien, c'est ce qui devient notre normalité, nos habitudes, et on oublie que c'est pas tolérable” 

Au début de sa poésie, son écriture était conventionnelle, Jules écrivait minutieusement des alexandrins et sonnets avec un vocabulaire sophistiqué. Puis, quand il a réalisé que ça entravait ses mots, il s’est donné plus de liberté de formes, ce qui lui a aussi permis une plus grande liberté de fond. On pourrait qualifier sa poésie de “poésie engagée”. Les sujets qui y sont abordés sont larges : toutes les formes de violence, les performances de genre, l'hétéronormativité, la cisnormativité, les catastrophes environnementales, la dénaturalisation des espaces, la déshumanisation dans les villes, etc. C’est une écriture incisive, car Jules se veut être en se débarrassant des biais et du néfaste. Simplement être.

“Concrètement, ça signifie que je veux vivre et faire vivre une vie digne, à moi et aux autres, grâce à l’autonomie d’une anarchie communautaire. L’autonomie alimentaire, énergétique, émotionnelle. C’est un de mes projets de vie. Je n’ai jamais imaginé qu’un jour j’aurais 25 ans, alors même si je n’ai pour l’instant rien fait pour mener à terme ce projet, m’être réalisé en tant que poète et l’avoir accepté, c’est déjà titanesque pour moi. Actuellement je vaque entre Nantes et Saint-Gervais (en Vendée). Et je squatte tour à tour les réalités de mon père, sa forêt, et celles de mon partenaire, sa cale sous les combles, à défaut d'être en mesure de concrétiser ma propre réalité.”

Un projet, trois recueils : Brasier, Mécanique, L’Ondée.

Avant son récent recueil Mécanique, il y a eu aussi Brasier. On connaît aussi le nom du futur troisième, L’Ondée. Je pense que rien ne vaut la note d’intention, glissée dans le paquet avec le recueil, pour comprendre sa démarche, alors je te la mets juste là.

Je lui ai demandé des précisions, son intention liée à chaque recueil. En résumé, Brasier est le balbutiement, le chaos poétique, de tout, le contexte. Mécanique la conscience qui s'aiguise, qui voit clair, qui se dénonce. Et L'Ondée où comment faire autrement, qu'est ce qui existe en dehors de ce merdier ?

“En écrivant Brasier, j’ai écrit quelques poèmes qui décrivent justement des biais, et j'ai adoré faire ce travail à la fois d'analyse et d'écriture, et puisque j'ai énormément de biais, c'était une source intarissable d'inspiration. Surtout que je peux en parler de pleins de manières, j'adore le sarcasme, l'ironie, la dérision, la caricature. Grossir les traits et rendre ces biais bien visibles. Même si j'ai énormément écrit sur ça ces dernières années, ça n'a pas été ma seule source d'inspiration. En parallèle j'ai beaucoup été dans la forêt. Renouer avec cette terre, cette maison, ça a été très fertile pour l'inspiration. J'ai commencé à m'y sentir bien, et donc j'ai écrit des poèmes doux. D'un côté les automatismes et les biais, de l’autre l'authenticité et la tendresse. Ces idées m’ont donné l'idée de faire une trilogie. La cause de ce projet, c'est la nécessité. Déjà la nécessité pour moi de prendre conscience de mes biais. De ma violence. De ma dangerosité. Et aussi dire qu'en fait par défaut, ces biais sont communs à tous, c'est le point de départ. C'est précisément quand on refuse de penser qu'on puisse être un problème que les problèmes commencent. L'idée de me pointer du doigt mais qu'au travers de ma caricature, toustes se voient.”

Mécanique

Le titre du recueil est en mots superposés, des traces de rouge se perdent dans l’encre noire : Mécanique. 86 poèmes. Pages épurées, reliées à la main d’une couture noire. Lettres tapuscrites. Des dessins sur des feuilles volantes se découvrent en tournant le papier. Dans la même enveloppe de réception, une page A4, tapuscrite également : Note d’intention. On y lit des mots fourrés de silences réalistes, de détails soulignés, précisés, grossis. On y lit des mots qui veulent tout dire, mêlés dans une tonne de références et de sonorités efficaces. Je connais Jules et son écriture depuis longtemps, alors lire ce recueil ne m’a pas étonné, mais j’ai tout de même continuellement été impressionné par la qualité de ce qui était énoncé. C’était juste, comme rien d’autre ne puisse être à part le travail précis d’un artiste perfectionniste. Trouver le bon mot, la bonne idée, le bon son, le bon rythme, le bon titre, le bon verbe, la bonne rime. Ici, tout est mesuré par l’artisan, et j’aime ce travail de précisions qui vient couper l’herbe aux ras des pieds. Incapables de ne pas voir ce qui est dit, on se retrouve face à nos biais, nos non-dits, nos silences. 

Je te mets juste après l’un de mes poèmes préférés : La reine des mouches.

Voici aussi un autre poème : L’Agonie.

Je t’invite chaudement à lire Jules, autant sur son compte que ses recueils. Soutiens son travail, mais aussi permets toi de t’ouvrir les yeux, de comprendre ce que tu te caches à toi-même, prends le temps de saisir la complexité qui nous compose. Les recueils de Jules sont une mine d’or de perspectives efficaces, d’une grande perspicacité, qui ne peut que t’aider à mieux voir, comprendre, écouter.

Pour se procurer Mécanique : Envoyer un mail à julesdeblanc@hotmail.com avec le  choix du tarif (unité ou groupe), choix du format (papier ou pdf imprimable), choix du mode de paiement (virement, paypal, espèces si en main propre). Préciser l’ordre d’envoi (nom, prénom, adresse postale). Attendre la confirmation puis payer. 10€ le PDF imprimable. 18€ le recueil à l’unité remis en main propre. 20€ en envoi standard. 22€ en recommandé. Pour les commandes de groupe, contactez Jules par mail ou sur son compte instagram @toutflambe.


Crédit photo : Jules de Blanc (@toutflambe)

Par Romane Galopin

Dernière modification le 22/09/2023 à 10h46

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