Culture

LE JEU VIDÉO : PLUS ART QUE L'ART ?

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Depuis quelques années, et avec raison, le jeu vidéo est de plus en plus vécu, entendu et définit comme étant le dixième art. D’autant plus qu’il est probablement le média permettant l’art le plus complet. Le jeu vidéo serait-il plus art que l’Art ?  
 
Si on parle de l’art du jeu vidéo, l’idée d’imaginer un monde cinématographique ne serait pas fausse. Parce que évidemment, certains plans ont une beauté digne du cinéma, vous procurent le même frisson, la même larme. Richard Wagner définit l’art total comme, en substance, l'utilisation simultanée de nombreux médiums et disciplines artistiques, et par la portée symbolique, philosophique ou métaphysique qu'elle détient. L’art total est une synthèse de tous les arts particuliers. Seulement, le jeu a ses propres codes, ça n’est pas seulement des dessins, des musiques, des dialogues mis bout à bout. Le jeu vidéo est un art harmonieux, créant une unité entre chaque discipline formant ce tout dans lequel on aime tant se perdre. Parce que si cette Vague de Courbet nous donne la sensation de nous submerger, le personnage qu’on incarne, lui, peut véritablement se noyer. Le jeu vidéo est la porte d’une réalité différente, dans laquelle on peut vivre, manger, dormir, mourir. C’est une réalité, une autre vie, qui nous donne l’illusion d’une liberté parfaite. Une liberté plus vraisemblable que celle de notre monde. Et pour autant, chacun de nos gestes a été pensé avant nous par un gars devant son ordi. Chaque moment, chaque image combinée d’une musique, d’un mouvement, d’un angle de caméra, est parfait. Alors, évidemment, devant les planètes et le soleil d’Outer Wilds, les hauteurs de Zelda, on ne peut pas renier le jeu vidéo comme un art visuel. Tout est beau, harmonieux et parfait. Et si ça ne l’est pas, comme cette architecture de NaissanceE, c’est que cela a été décidé ainsi. Et cette liberté « illusionnée » donnée par les jeux nous donne accès à un puzzle d’art que l’on peut, à notre guise, résoudre ou seulement regarder. L’interactivité nous permet une expérience de l’art plus conséquente encore que n’importe quel art. C’est une immersion parfaite, qui lorsque cassée par un easter egg, ne fait pas uniquement tomber le 4ème mur, mais tous les murs et ce, jusqu’à faire s’écrouler votre écran. L’expérience de jeu ne se veut pas réaliste mais créatrice d’une réalité, de notre propre histoire. Chose que le cinéma, la littérature ne peuvent faire. L’histoire avance sans nous, malgré nous, nous subissons les personnages. Dans Zelda, nous avons le choix de suivre la quête principale ou de passer des heures à se balader à cheval : le jeu nous donne l’illusion d’un permanent choix. La liberté n’a pas de sens en tant que soi. De nouveaux codes, de nouvelles façons de considérer des concepts sont créés à l’intérieur du jeu. La moralité n’existe pas, si certaines limites à notre liberté peuvent être constatées, il nous reste une liberté morale quasi absolue. Ainsi le joueur entretient une relation toute particulière avec l’œuvre d’art. Nous en sommes les acteurs, voire les artistes, les créateurs. Chaque joueur au commencement d’Outer Wilds aura une expérience de jeu différente en fonction de ses sensibilités, de ses choix et aura une histoire absolument particulière. Le joueur n’est pas spectateur de l’œuvre d’art, il est à l’intérieur ; il est nécessaire à l’œuvre d’art. Plus que cela, si dans un livre l’écriture est gravée, le joueur, lui, façonne le jeu à son image. Chaque gameplay est imprégné par l’identité du joueur : dans Skyrim, chaque gameplay est différent par le choix des compétences, ou l’histoire que chacun essaie de composer par les floues -probablement volontaires- de la narration. Et ce laisser-libre permet à ce que l’imagination pénètre, déborde dans le jeu. Tout comme, le choix de tuer ou non un Png à un moment donné, influencera l’histoire : des quêtes seront bloquées etc. Le joueur influencera directement sur le jeu. 
 
D’autant que les jeux, en tant qu’ils sont une autre vie, permettent la plus grande expérience philosophique. Face à une boucle temporelle à la fin de laquelle une super nova explose, comment ne pas sentir le temps peser si lourd ? Comment ne pas expérimenter la mort ? Dans Spiritfarer, il y a cette barque stygienne transportant les âmes d’un bateau à un autre : comment ne pas se confronter à la mort ?  Les existentialistes à travers leurs romans et pièces de théâtre cherchent à démontrer leurs thèses philosophiques : L’Étranger de Camus sert d’exemple au Mythe de Sisyphe etc. Le jeu vidéo peut être un support philosophique autant qu’un art. Le jeu vidéo a cela de particulier : il est voué à se dépasser, à aller toujours plus loin en technique sans pour autant dépasser les limites du jeu vidéo en tant que jeu vidéo. Est-il possible qu’il n’ait tout simplement pas de limites ? 
 
 
Pour approfondir votre recherche philosophique, la rédaction vous propose un florilège des meilleures vidéos sur le jeu vidéo (dont une durant deux heures mais ne prenez pas peur : vous en ressortirez tout autre). 


 

 

Crédit Photo : OpenCritic

Par Emma Clairenbeaud

Dernière modification le 14/08/2023 à 12h04

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Commentaires

Romain R.

Merci pour cet article d'une grande richesse. Ayant été moi même un grand adepte des jeux-vidéos, je me suis revu en train d'argumenter à mes parents l'appartenance du jeu video à l'art. Cet article était enrichissant et bourré d'exemple bien trouvés, alors je repars au front pour convaincre mes parents une bonne fois pour toute. Merci:)!

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